Le Canada est une super-puissance pétrolière qui en a importé pour près de 500 milliards $ depuis 31 ans

Il est probable que la plupart des citoyens ne savent pas d’où provient le pétrole qu’ils utilisent quotidiennement. Nous avons examiné les données de Statistique Canada pour en savoir plus. Une première découverte : le Canada a importé pour 477 milliards $ de pétrole étranger sur une période de 31 ans, entre 1988 et 2019, soit 587 milliards $ de 2020. Étonnant, tout de même, pour un pays possédant les troisièmes réserves mondiales.

La provenance de ce pétrole a changé avec le temps. Durant la période complète de 31 ans, les États-Unis, la Norvège, le Royaume-Uni et l’Algérie ont été la source principale du pétrole importé au Canada.

Pour la période 2010-2019, cependant, les deux sources principales, les États-Unis et l’Arabie saoudite, comptent pour 100 milliards $ de nos importations (75 milliards $ des États-Unis et 25 milliards $ de l’Arabie saoudite). Ces 100 milliards $ représentaient 46 % des importations de pétrole pour la décennie.

Si l’on ne regarde que 2019, les Américains sont encore plus dominants, avec une valeur de 13,8 milliards $, ou 73 % des importations totales de pétrole de 19 milliards $. Au Québec, en 2019, 62 % du pétrole provenait des États-Unis et 38 % de l’Ouest canadien. Il y a donc une tendance claire à dépendre de plus en plus des États-Unis, qui sont aussi un important concurrent du Canada dans ce domaine.

Où va ce pétrole importé au Canada ? Du 477 milliard $ d’importations de pétrole entre 1988 et 2019, 225 milliards $, ou 47 % est allé au Québec. Ces importations québécoises de pétrole depuis 1988 représentent 50 ponts Champlain ! Le Nouveau-Brunswick suit avec 129 milliards $, ou 27 % (dirigé en bonne partie vers la raffinerie de St-Jean). Les autres provinces ont importé le reste, soit 26 %.

Le pétrole peut-il être remplacé à court ou à moyen terme ?

Selon les prévisions de l’Agence internationale de l’énergie (2019), la quantité de pétrole consommée à travers le monde va continuer à augmenter jusqu’à au moins 2040, à moins d’un revirement qui irait à l’encontre des réalités physiques du monde réel.

Le pétrole est essentiel à la qualité de vie des Québécois, pour qui l’or noir représente 35 % du bilan énergétique (2017), surtout dans les transports. Ce pétrole n’est pas remplaçable facilement, principalement parce qu’on devrait doubler la production hydro-électrique pour le faire, ce que peu d’experts croient possible. Ailleurs, où l’électricité provient surtout de combustibles fossiles, le rêve d’un monde rapidement décarboné relève, justement, du rêve.

Pour au moins les prochaines décennies, les Québécois et les autres Canadiens vont donc continuer de consommer du pétrole. Les seules questions qui restent à régler sont donc les suivantes : qui va produire ce pétrole dont nous avons besoin ? Va-t-il venir du Canada, de l’étranger, ou (plus probablement) des deux sources ? Et quelle sera la proportion des importations ?

Plusieurs facteurs expliquent les importations de pétrole au Canada, dont le type de pétrole qu’une raffinerie en particulier peut traiter et les contraintes de transport, y compris le manque de pipelines. Étant donné ces facteurs, ainsi que la nécessité de préserver des marchés ouverts et flexibles, nous ne suggérons certainement pas de nouvelles mesures protectionnistes.

Cependant, lorsque les gouvernements peuvent faciliter le développement des ressources locales, qu’elles se trouvent à Terre-Neuve, au Québec (qui possède des réserves), en Saskatchewan, en Colombie-Britannique ou en Alberta, il serait raisonnable de le faire. Après tout, nous en profitons tous.

Germain Belzile enseigne à HEC Montréal et Mark Milke est au Centre canadien de l’énergie, une société du gouvernement de l’Alberta financée en partie grâce aux taxes sur les émissions de carbone payées par l’industrie. Ils sont co-auteurs de l’étude « Importations de pétrole étranger au Canada : 477 milliards de dollars entre 1988 et 2019 ».

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